A l’intérieur – Jodi Picoult

Quand votre fils ne vous regarde jamais dans les yeux… comment savoir s’il est coupable ? Adolescent atteint du syndrome d’Asperger, Jacob Hunt ne possède pas le mode d’emploi pour communiquer avec les autres. Enfermé dans sa bulle, il est pourtant d’une intelligence prodigieuse. Un sujet le passionne plus que tout : la criminalistique. Il parvient souvent à se rendre sur des scènes de crime, où il ne peut s’empêcher d’expliquer aux policiers comment faire leur travail. En général, il tombe juste. Mais lorsqu’un assassinat se produit dans le quartier, l’attitude de Jacob est un signe flagrant de culpabilité pour la police. Pour la mère et le frère de Jacob, l’intolérance et l’incompréhension qui ont toujours menacé leur famille resurgissent brutalement.  Et cette question lancinante, qui ne laisse pas leur âme en paix… Jacob a-t-il, oui ou non, commis ce meurtre ?

Lorsque Lisa, du club de lecture (et du blog) Le Pingouin Vert, a proposé plusieurs titres dont A l’Intérieur de Jodi Picoult pour la lecture commune du mois de juin, je n’ai pas franchement hésité à sélectionner ce pavé de plus de 600 pages. Jacob, le protagoniste, et son syndrome d’Asperger ne pouvaient que m’intéresser. Au final, c’est une excellente surprise malgré quelques points négatifs.

Jacob est un jeune homme de 18 ans, intelligent et curieux, possédant une mémoire phénoménale mais en grande difficulté sociale. Pour ce garçon, il est extrêmement difficile de nouer des relations avec les autres. Atteint d’Asperger, forme d’autisme de haut niveau, il a besoin d’un environnement particulier, bien cadré. Sa vie est réglée comme du papier à musique, ce qui le rassure. Jacob a également besoin de beaucoup de choses qui le rassurent (une chanson de Bob Marley). Possédant des intérêts restreints, il aime essentiellement pour la criminalistique et regarde tous les jours les rediffusions de « Crime Buster », émission sur les enquêtes de meurtre. Il est tellement passionné qu’il recrée certaines scènes chez lui. Il va jusqu’à certaines vraies scènes de crimes pour aider les enquêteurs.

Hélas, Jacob est, dans ma lecture, le plus gros point négatif. Ayant travaillé, en tant qu’auxiliaire de vie scolaire, auprès d’autistes, m’étant informé sur cette différence et étant auto-diagnostiquée Asperger (grâce au test : http://www.rdos.net/fr/), j’ai bien reconnu l’autisme en Jacob mais pas forcément Asperger. J’ai eu plusieurs fois l’impression que Jodi Picoult confondait avec une forme d’autisme plus profond. Je ne pense pas que les crises de colère très violentes comme celles de Jacob soit bien caractéristiques d’Asperger. Les passages où Jacob plonge à la limite de la catatonie, dans le silence ou ses stéréotypies sont beaucoup plus réalistes.

De plus, j’ai trouvé que l’auteur répétait un peu trop souvent que Jacob était atteint du Syndrome d’Asperger, comme si elle essayait de nous (elle y compris) convaincre de la véracité de cette affirmation. Seulement, le récit devrait suffire à nous convaincre (et il suffit!)

Heureusement, il y a Jess, une étudiante engagée par la maman de Jacob, pour aider le jeune homme à se sociabiliser. Au début du roman, le lecteur doit se rendre à l’évidence : Jacob est très attaché à la jeune femme. Lorsqu’elle disparaît et est retrouvée morte, tout semble accuser Jacob… Particulièrement ses réactions parfois décalées.

Emma, mère célibataire, forte et courageuse, consacre sa vie à ses deux garçons afin qu’ils aient la vie la plus facile possible. Elle se bat pour que la maladie de Jacob soit reconnue et pour que Théo, 16 ans, ne soit pas oublié dans ce combat. D’ailleurs, Théo, se sentant oublié, finit par faire des bêtises.

J’ai beaucoup aimé la construction du roman qui m’a semblé idéale par rapport à la pathologie de Jacob. En alternant les points de vue (Jacob, Emma, Théo, Oliver l’avocat et Rich le policier), le lecteur comprend mieux les difficultés liées à l’autisme et se perd dans ses doutes et ses certitudes, en passant par de multiples sentiments.

La plume de Jodi Picoult est tout aussi efficace qu’agréable. Le roman se dévore. J’ai eu envie de le trimballer partout et il a souvent fait de l’ombre à mes lectures parallèles. Si je ne me suis identifiée à personne, comme d’habitude, les portraits fins et précis et l’humour suscitent un certain intérêt. De plus, malgré les raccourcis, on sent que l’auteur s’est documentée sur l’autisme, ses difficultés (ne serait-ce que pour poser un diagnostic) et ses conséquences. Elle montre combien l’incompréhension et l’ignorance fait partie du quotidien des familles.

Je vous conseille volontiers ce roman sous quelques conditions. N’oubliez SURTOUT pas que Jacob n’est pas l’Asperger-type, ni même l’autiste-type. Il y a de multiples formes d’autismes. On ne parle pas de troubles du spectre autistique pour rien !

Et ma dernière phrase ne sera pas la mienne mais celle de BookWormGirl : « Comme je dis toujours, tous les surdoués ne sont pas Aspergers, et tous les Aspergers ne sont pas surdoués ! »

 

A l’intérieur, Jodi Picoult, Michel Lafon, 604 pages, 2016


5 réflexions sur “A l’intérieur – Jodi Picoult

  1. Je me suis fait la même remarque que toi pour Jacob, mon fils étant mis sur la voie Asperger par des spécialistes. Moi-même j’ai des symptômes mais je ne me bas pas pour le diagnostic qui est un parcours du combattant, je les ai identifiés et je fais encore plus d’efforts pour certains trucs (regarder dans les yeux surtout), et au contraire j’ai abandonné les efforts inutiles comme sortir, participer à des banalités, etc. J’ai appris quelques codes sociaux et je m’économise. Je connais également un Asperger adulte diagnostiqué, c’est assez flagrant pour lui, mais rien à voir avec Jacob. Bref, je n’ai pas reconnu grand monde dans Jacob.

    Mais j’ai préféré ne pas en parler sur ma chronique (juste un rappel que tous les aspis sont différents), car je pense qu’elle s’est quand même pas mal documentée. C’est pour cela que j’ai retenu la citation qui compare le syndrome à du parfum : « Le concept me plaît : le syndrome d’Asperger serait comme une dose de parfum, plus ou moins concentré selon les personnes. » et celle-ci aussi : « Je ne suis pas autiste. J’ai l’autisme. » :’) Mais tu fais bien de le souligner, c’est bien de traiter de ce sujet mais il serait fâcheux de faire de Jacob une référence. Du coup, je m’attendais à être touché par Jacob, et c’est Théo qui m’a touché d’emblée !

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    1. Perso, j’ai eu besoin de dire qu’on reconnaissait bien en Jacob un autiste mais pas forcément un aspie. Tous les aspies sont différents mais rarement dans cette extrémité.

      Sinon, je reconnais en moi beaucoup de traits autistiques mais je ne me bats pas non plus pour le diagnostic…

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      1. Oui, une autre personne avait fait ce constat sur livraddict. Quand on connait bien le syndrome, on ne peut s’empêcher de se dire que l’autisme de Jacob est sévère par certains côtés, et c’est bien de le rappeler.

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